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Lettre à Julien Sorel

Cher Julien,

Comment devrais-je commencer à exprimer ce mélange de mes sentiments envers vous ? Vous êtes un homme incroyable ; ce ne sont pas vos actions qui m’ont laissé une empreinte indélébile autant que vôtre esprit.

Vous avez débuté comme seulement un garçon de la campagne, taciturne, apparemment négligeable à côté de ces aristocrates. Que vous êtes beau, mais je suis certaine que c’est aussi vôtre noblesse intérieure que Madame de Rênal ne résiste pas. Quand vous avez pris sa main, je m’ai songé, ‘Ce garçon vais profiter de l’amour de Louise pour réaliser son but ultérieur !’ Que vouliez-vous faire? Je ne le connaissais pas en ce moment-là. Mais l’affaire passionnée de vous et Louise (en particulier, le désir de la voir que vous avez manifesté au séminaire) a changé ma certitude un peu : peut-être une partie de vous est honnêtement amoureuse d’elle. Mais que vouliez-vous vraiment ? Vous qui détestez l’aristocratie et méprisez les paysans. Ce n’est pas l’argent que vous voulez, mais un nom, n’est-ce pas ? Comment alliez-vous faire ?

Vous êtes orgueilleux, vous ne craignez personne, même pas Dieu ! Il est évident que vous, intelligent et visionnaire, êtes plus digne, plus distingué par ces garçons aristocratiques, fanfarons, lâches, indulgents et ennuyeux, ce qui a attiré l’attention de la prétentieuse et gâtée Mathilde de la Mole. En ce moment-là, j’ai pensé que j’avais résolu vôtre ‘grand projet’ : se débarrasser du titre, ‘le fils d’un charpentier’, qui vous a hanté depuis vôtre naissance, gravir les échelons, devenir un de ces gens n’importe quoi. L’amour est seulement un jeu qui aide vôtre projet, satisfait vôtre fatuité masculine et démonte vôtre supériorité aux aristocrates. Mais j’ai eu tort.

Dans un tel système, sans le droit de naissance, il est impossible de réussir. Il vous a pris une alliance du travail, de l’intelligence et l’hypocrisie, qui, ironiquement, a causé vôtre ruine. Monsieur, vous méritez d’être méprisé et punit pour tout ce que vous avez fait, mais je ne peux pas vous mépriser ! Même sur le point de la mort, vous avez protégé vôtre orgueil, dignité et supériorité, et aussi vôtre amour. Après tout, vous n’avez jamais été un homme ordinaire.

En vous connaissant, je viens de me méfier plus des hommes. Cependant, si j’étais Madame de Rênal ou Mathilde, je ne résisterais jamais vous aimer, et ne le regretterais jamais..